« Le Crétin pontifiant, qui est ordinairement de gauche, mais qui peut être de droite (car la droite s'extasie volontiers des balourdises conceptuelles de la gauche – tout comme la gauche brûle de concurrencer la droite dans le domaine économique) salue à grands cris les trouvailles verbales des jeunes. Autant de preuves, assure-t-il, de leur inventivité, de leur dynamisme poétique. Sans doute l'école est-elle en faute, qui ne sait intéresser ces petits génies du verlan...
Le Crétin, bien entendu, se leurre. Les mots à la mode, les mots des groupes et des gangs, ne témoignent que d'une chose : la pauvreté absolue de la langue pratiquée par tous les damnés du système. Les jeunes se serrent autour d'un langage schtroumpf comme Erectus se pelotonnait dans son abri sous roche. Il est le plus petit commun dénominateur des morts de faim de la culture. Les quelques mots du groupe sont mots à tout faire – et c'est tant mieux, puisqu'on leur prévoit un emploi à tout faire – et à ne rien dire. (...) »
Jean-Paul Brighelli, La Fabrique du Crétin - La mort programmée de l'école, Gallimard (2005)