Nos ancêtres étaient de rudes
salauds. Esclavagistes, brutes sanguinaires, exploiteurs en tous
genres, leur bassesse ne connaissait aucune limite. Cette tendance
particulièrement abjecte est d'ailleurs tout à fait propre à la
culture française. Aucune nation dans le monde n'a plus de sang sur
les mains et de crimes sur la conscience, c'est là notre véritable
exception culturelle.
A écouter une partie des intellectuels
français contemporains, ce tableau noir ne paraît
pas si caricatural. Leur vision du monde semble se réduire à cette
version manichéenne névrotique : d'un côté les Français
d'autrefois, condamnables par nature, de l'autre, leurs victimes,
toutes parées de la même auréole.
En se focalisant sur l'histoire de
l'Algérie française, sa spécialité, et tout en cherchant à
éviter de tomber dans les travers de ceux dont il dénonce les
inexactitudes voire les mensonges, Daniel Lefeuvre s'attaque de front
à ces préjugés tout contemporains sur notre passé colonial.
Entreprise ambitieuse, à contre-courant, à la réussite de laquelle
ce professeur d'Histoire à Paris 8 apporte la rigueur d'une science
chiffrée qu'il oppose aux affirmations péremptoires d'une idéologie
morbide qui n'a pas manqué de relais depuis une quarantaine
d'années.
A leur version des faits trop
accablante pour être honnête, Daniel Lefeuvre répond d'abord par
la dérision :
« (...) Fils d'Auvergnate et de
Breton, dois-je demander le repentir de l'Italie et des Italiens pour
les crimes qui ont accompagné la conquête romaine de la Gaule et
pour l'acculturation - qui a conduit à un ethnocide - que les
occupants ont imposée à mes ancêtres ? L'avocat de la Ligue des
droits de l'homme n'aura aucun mal à défendre ma cause. La lecture
de la Guerre des Gaules de César, dans laquelle il puisera, livre,
en effet, un aperçu accablant sur les méthodes mises en œuvre par
les Romains. C'est en contradiction absolue avec les règles
humanitaires et, en particulier, avec les conventions de La Haye de
1899 et 1907, que César décide, en 53 avant Jésus-Christ,
d'anéantir les Éburons révoltés. Lorsqu'il fait étrangler
Vercingétorix en 46, il bafoue incontestablement la Convention de
Genève de 1929 sur le traitement des prisonniers de guerre !
Peut-être pourrais-je ensuite obtenir quelques dédommagements
sonnants et trébuchants ? (...) » (pp.16-17)
Mise en bouche amusante, mais qui
dénonce en quelques lignes toute l'absurdité du regard que portent
de nos jours les Français sur leur passé : anachronismes en
pagaille, moralisme compassionnel et victimisation héréditaire ;
les symptômes de cette France repentante sont clairement identifiés.
S'appuyant sur quantité de données
chiffrées et de citations, l'historien démontre au fil des pages
que, loin de se refléter dans la peinture monochrome assombrie à
l'extrême qu'on en fait, l'histoire de la colonisation en Algérie
est en réalité beaucoup plus complexe, que les intérêts de la
France étaient loin d'être aussi évidents que ne le prétendent
les adeptes de l'historiographie binaire.
Il démontre notamment par les
statistiques que les intérêts français nourris par la conquête de
ce grand territoire furent avant tout spéculatifs. Lefeuvre oppose
les rapports enthousiastes des experts de l'époque à une réalité
très en deçà des espérances. Culture du coton, production
pétrolière, les premières ambitions laissent vite place à la
désillusion. Pour ne reprendre que l'exemple du pétrole, Daniel
Lefeuvre, preuve à l'appui, démontre que la découverte de ses
gisements n'avait rien d'une bénédiction : d'un coût
d'exploitation plus de dix fois supérieur à la moyenne de l'époque,
le pétrole algérien était en outre, de par sa « consistance
légère », impropre à l'usage qu'en avait l'industrie
française.
Au fil des chapitres, il apparaît
comme évident que l'attachement de la France à sa présence en
Algérie s'est avant tout nourri d'erreurs et d'illusions. On y vit
une source de richesses colossales avant de n'y espérer plus qu'un
marché économique susceptible de soutenir la consommation saturée
de la métropole ; et au bout du compte, si certaines industries
y trouvèrent un profit, la France, elle, n'hérita que d'efforts
vains et de pertes colossales.
Bien sûr, les Repentants s'entêteront
à faire la sourde oreille à ces constats, à préférer le dogme à
la science, et le fantasme au bon sens ; peut-être seront-ils
même tentés de dénoncer une entreprise partisane et nauséabonde
là où, précisément, Daniel Lefeuvre s'astreint de ne pas
politiser le débat comme il eût été si aisé de le faire. Ils
donneront quelque part raison à Daniel Lefeuvre, prouvant par leur
attitude que dénoncer est bien plus simple que démontrer. En tout
cas, cette tentative de remettre les Français d'aplomb avec leur
histoire, comme le sont tous les peuples qui se respectent, à défaut
d'être salutaire, aura au moins eu le mérite d'exister.
C'est bien creux tout ça. Et l'extrait...
RépondreSupprimerPrendre un élément pré-convention de Genève pour critiquer les évènements post-convention c'est absurde.
Et arguer que les Français ont trouvé moins de ressources qu'ils ne l'espéraient et que du coup se sont eux qui sont à plaindre est juste fou...
Et pour info la surestimation des ressources pour obtenir le droit de faire des saloperies est assez répandue, les gaz de roche-mère/schiste en sont un exemple de plus.
Cher Monsieur ou Madame Anonyme,
RépondreSupprimerLa citation, comme c'est indiqué, est à prendre sur le ton de la dérision pour dénoncer les méthodes des "repentants", grands maitres de l'anachronisme.
Il n'est pas question de victimiser les Français plus que les Algériens, ni dans ma chronique, ni dans le livre de Lefeuvre ; la question est plutôt de sortir de ces logiques victimaires pour essayer d'y voir plus clair.
Enfin, détourner le sens des propos d'autrui ne vous donne pas raison pour autant.