18 janvier 2012

André GIDE : La symphonie pastorale

Difficile, lorsqu'on s'intéresse à la littérature française fin XIXe / début XXe, de faire l'impasse sur André Gide. Et pourtant, tout me portait à m'y résoudre. Je n'ai d'une part jamais été ébloui par ce qui filtre de sa pensée ou de sa personnalité, à travers citations ou témoignages de contemporains (Léautaud en parle souvent dans son journal), et la lecture demeurée inachevée de L'immoraliste, sans m'assommer, me laissa également assez indifférent. En fin de compte, les seuls écrits de Gide m'ayant marqué jusque là furent sa critique de Bagatelles pour un massacre, dont il défendait assez dignement les qualités littéraires. Gide prenait là le parti d'un Louis-Ferdinand Céline qui pourtant ne l'épargnait pas dans son livre, et sa thèse me paraissait, sur l'instant, plutôt convaincante, autant que son avis semblait sincère.

Cette sincérité, je ne saurais l'identifier précisément dans La symphonie pastorale, pas plus sans doute que dans tout autre roman de Gide. Non qu'elle soit véritablement absente de son œuvre, mais pour la simple raison que je suis incapable de l'apprécier dans une œuvre de fiction, de la même manière que je suis bien en peine d'extraire d'un texte fictionnel un point de vue pertinent.

Publié en 1919, ce roman est un faux journal intime, tenu par un pasteur vivant avec sa famille dans le Jura suisse. Le journal est dédié aux progrès de Gertrude, une enfant aveugle et quasi sauvage, recueillie par le narrateur qui s'efforce au fil des pages, tout en s'émerveillant, de l'éveiller à la culture et à la vie.

« (...) Gertrude avait ceci de bien qu'elle ne faisait jamais semblant de comprendre, comme font si souvent les gens, qui meublent ainsi leur esprit de données imprécises ou fausses, par quoi tous les raisonnement ensuite se trouvent viciés. Tant qu'elle ne s'en était point fait une idée nette, chaque notion demeurait pour elle une cause d'inquiétude ou de gêne. (...) »

Derrière cette histoire assez banale, Gide cherche manifestement à opposer la foi à la nature véritable de l'homme. Il y a d'un côté les préceptes religieux et la morale chrétienne, de l'autre les pulsions, d'autres diront les sentiments. Et le narrateur essaie au fil du récit d'adapter  les uns et de maîtriser les autres.

La symphonie pastorale est aussi une réflexion sur la perception du monde et des choses. A travers la cécité de Gertrude, et le rôle d'interprète qu'il se donne, le pasteur prend conscience de la laideur des choses à laquelle l'enfant peut échapper grâce à (ou à cause de) son infirmité.

L'écriture a le mérite d'être sobre et précise, c'est l’œuvre d'un homme évidemment érudit (ne serait-ce que dans sa connaissance des textes religieux), l'atmosphère y est – comme son titre – pastorale et apaisante, bref, ce court texte est dans l'ensemble très agréable à lire. Reste que, pour mon goût personnel – et je vais une fois de plus seriner mes petites vérités – il manque l'essentiel : l'intime, la véritable impudeur, celle d'un écrivain qui ne se cache pas derrière des personnages.

« (...) Bien des choses se feraient facilement, sans les chimériques objections que parfois les hommes se plaisent à inventer. Dès l'enfance, combien de fois sommes-nous empêchés de faire ceci ou cela que nous voudrions faire, simplement parce que nous entendons répéter autour de nous : il ne pourra pas le faire... (...) »

2 commentaires:

  1. Ce n'est pas bien connaitre Gide que de prétendre qu'il n'y a chez lui pas de vérité. Lisez Si le grain ne meurt, et vous avouerez qu'il y a peu d'auteurs qui ont eu le courage de tout dévoiler comme le fit Gide...

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