En tant qu'écrivain, Stendhal s'est essayé à bien des registres. Le plus connu étant évidemment le roman, avec des œuvres majeures de la littérature française du XIXème siècle comme Le rouge et le noir et La chartreuse de Parme, réputées pour leur sobriété d'écriture peu commune à une époque où la mode était plutôt au style ouvragé et aux longs paragraphes descriptifs.
Stendhal fut également diariste, un exercice qui répondait parfaitement à sa recherche de vérité, une vérité de l'instant ; son journal, réédité récemment, couvre une vingtaine d'années.
Stendhal fut également critique d'art et essayiste, mais il fut aussi - et j'ai envie de dire surtout - un fameux autobiographe ; deux ouvrages sont restés de cette introspection sans complaisance. Souvenirs d'égotisme précède Vie de Henry Brulard, mais s'attarde sur une période alors récente de la vie de Stendhal lorsqu'il se pencha sur son écriture ; le second ouvrage remontant quant à lui bien plus loin, dans l'enfance de l'écrivain.
Son souci de vérité, Stendhal tente de le maintenir de la première à la dernière ligne de ces Souvenirs d'égotisme. Il se le rappelle tout au long du texte, fait l'autocritique de son style dépouillé qu'il juge parfois maladroit tout en se refusant à en corriger un mot. La spontanéité est l'un des moyens d'accès à cette vérité qu'il traque dans tous les replis de son existence, et à commencer par ses relations avec les femmes.
Dans ce domaine, l'auteur ne cherche pas à falsifier les choses, il parle sans artifice de ses aventures légères ou moralement douteuses, de la même manière qu'il décrit de manière quasi clinique son mal-être de ne pouvoir plaire à la seule qui compte à ses yeux. Sans la nommer et sans s'apitoyer, Stendhal parle ni plus ni moins que de sa dépression.
« (...) J'ai bien peu de souvenirs de ces jours qui tous se ressemblaient. Tout ce qui plaît à Paris me faisait horreur. Libéral moi-même, je trouvais les libéraux outrageusement niais. Enfin, je vois que j'ai conservé un souvenir triste et offensant pour moi de tout ce que je voyais alors. (...) »
« (...) J'ai bien peu de souvenirs de ces jours qui tous se ressemblaient. Tout ce qui plaît à Paris me faisait horreur. Libéral moi-même, je trouvais les libéraux outrageusement niais. Enfin, je vois que j'ai conservé un souvenir triste et offensant pour moi de tout ce que je voyais alors. (...) »
Cette relation aux femmes donne lieu à des formules assez savoureuses de lucidité, de cruelle lucidité, à son égard comme à celui de ses maitresses :
« (...) Le fait est que je ne l'aimais pas assez pour oublier que je ne suis pas beau. (...) »
« (...) En 1817, j'avais été très amoureux d'Anette pendant 15 jours; après quoi, je lui avais trouvé des idées étroites et parisiennes. C'est pour moi le plus grand remède à l'amour. (...) »
« (...) Mme Périer s'est attachée à moi comme une huître, me chargeant à tout jamais de la responsabilité de son sort. Mme Périer avait toutes les vertus et assez de raison et d'amabilité. J'ai été obligé de me brouiller pour me délivrer de cette huître ennuyeusement attachée à la carène de mon vaisseau, et qui bon gré mal gré me rendait responsable de tout son bonheur à venir. Chose effroyable ! (...) »
Stendhal parle aussi de son écriture, de la critique, de sa relation au monde, de l'incompréhension qu'il lui inspire, de toutes ces petites faussetés nécessaires à la vie sociale, qu'il s'impose lui aussi sans pour autant y souscrire. Ce livre est le regard affuté d'un observateur de lui-même comme des autres, le témoignage d'un homme honnête, anormalement honnête.
« (...) j'abhorre la description matérielle. L'ennui de la faire m'empêche de faire des romans. (...) »