Au début des années 1950, soit quelques années seulement avant la mort de Paul Léautaud (en 1956), le journaliste Robert Mallet réalisait une série de 22 entretiens radiophoniques avec l'écrivain de Fontenay-aux-Roses. Ces entretiens valurent à Léautaud une popularité tardive mais forte auprès d'un large public. Les auditeurs, sans doute fascinés par la forte personnalité de l'écrivain, découvraient un vieil homme facétieux, intransigeant et brillant à tous les niveaux. Cet homme qui sans avoir fait d'études supérieures s'était forgé une culture littéraire immense et une pensée hors de son temps et à l'épreuve de celui-ci, cet homme trouvait en Robert Mallet un interlocuteur de choix. D'abord, Mallet connaissait sur le bout des doigts la carrière, la vie et les écrits de Léautaud, mais plus encore, ce journaliste avait l'esprit vif et de la suite dans les idées. Il ne se confinait pas à un rôle d'assistant de promotion comme le font aujourd'hui la plupart des gens de médias, bien au contraire, il traitait son invité avec impartialité, et même un soupçon d'irrévérence.
Avant de donner son accord, Léautaud avait imposé des règles pour sauvegarder la spontanéité des entretiens. Il avait exigé que ne lui soient pas communiquées à l'avance les questions (contrairement aux usages), et il poussait même le vice jusqu'à refuser qu'on le rémunérât (il finit par accepter, sur l'insistance de Mallet qui y était tenu par la radio qui l'employait, la moitié de ce qui était habituellement attribué aux invités de l'émission). Cette spontanéité, le doute n'est pas permis, était bel et bien préservée, les entretiens sont menés comme une conversation, avec ses digressions, et, aussi, entre deux interlocuteurs qui défendent parfois et même assez fréquemment des idées opposées. C'est sur ce point que le travail de Mallet est remarquable, par son sens de la contradiction (qu'il avouait, en fin d'entretien, forcer un peu pour l'intérêt des entretiens), il poussait Léautaud dans ses retranchements, l'amenait à préciser ses pensées ou parfois se contredire et faire tomber une partie de sa carapace misanthropique. Une partie seulement. Et bien évidemment, c'était le but de Mallet, but qu'il atteint remarquablement.
De nombreux thèmes sont abordés, l'enfance et la vie de Léautaud, la poésie, l'écriture, la littérature, le théâtre (dont il a consacré une grande partie de sa vie à en faire la critique), les animaux, les femmes, etc... La plupart des thèmes apportent un regard complémentaire aux écrits de Léautaud. On y découvre des périodes peu abordées dans son œuvre, comme son cheminement d'écrivain, son passage par la poésie qu'il reniait par la suite, ses passions de jeunesse pour Mallarmé ou Verlaine, etc... un long chemin qui devait le mener à une recherche exclusive de vérité et de sobriété dans l'écriture.
Cette lecture paraît vite indispensable à qui apprécie l'écrivain, et au-delà, l'homme. Il s'agit toutefois d'une retranscription pas toujours très fidèle, et on pourra regretter, en comparant certains passages de l'enregistrement audio (un coffret de cds est sorti il y a quelques années) et la version écrite qui en découle, la liberté prise dans la reformulation de certains propos ou simplement les coupures faites au nom, vraisemblablement, de la fluidité du texte, mais qui, d'un autre côté, dénaturent un peu la spontanéité de certaines réponses, et la vivacité des échanges, comme on peut le constater dans un article posté ici précédemment.
Restent le témoignage et le regard d'un homme singulier en tout point, et dans le bon sens. Un homme en quête d'un plaisir peu partagé chez ses congénères : la restitution fidèle de la pensée dans le propos, quitte à choquer, et non pour choquer, ce qui fait toute la différence avec les provocateurs stériles de notre époque.
Avant de donner son accord, Léautaud avait imposé des règles pour sauvegarder la spontanéité des entretiens. Il avait exigé que ne lui soient pas communiquées à l'avance les questions (contrairement aux usages), et il poussait même le vice jusqu'à refuser qu'on le rémunérât (il finit par accepter, sur l'insistance de Mallet qui y était tenu par la radio qui l'employait, la moitié de ce qui était habituellement attribué aux invités de l'émission). Cette spontanéité, le doute n'est pas permis, était bel et bien préservée, les entretiens sont menés comme une conversation, avec ses digressions, et, aussi, entre deux interlocuteurs qui défendent parfois et même assez fréquemment des idées opposées. C'est sur ce point que le travail de Mallet est remarquable, par son sens de la contradiction (qu'il avouait, en fin d'entretien, forcer un peu pour l'intérêt des entretiens), il poussait Léautaud dans ses retranchements, l'amenait à préciser ses pensées ou parfois se contredire et faire tomber une partie de sa carapace misanthropique. Une partie seulement. Et bien évidemment, c'était le but de Mallet, but qu'il atteint remarquablement.
De nombreux thèmes sont abordés, l'enfance et la vie de Léautaud, la poésie, l'écriture, la littérature, le théâtre (dont il a consacré une grande partie de sa vie à en faire la critique), les animaux, les femmes, etc... La plupart des thèmes apportent un regard complémentaire aux écrits de Léautaud. On y découvre des périodes peu abordées dans son œuvre, comme son cheminement d'écrivain, son passage par la poésie qu'il reniait par la suite, ses passions de jeunesse pour Mallarmé ou Verlaine, etc... un long chemin qui devait le mener à une recherche exclusive de vérité et de sobriété dans l'écriture.
Cette lecture paraît vite indispensable à qui apprécie l'écrivain, et au-delà, l'homme. Il s'agit toutefois d'une retranscription pas toujours très fidèle, et on pourra regretter, en comparant certains passages de l'enregistrement audio (un coffret de cds est sorti il y a quelques années) et la version écrite qui en découle, la liberté prise dans la reformulation de certains propos ou simplement les coupures faites au nom, vraisemblablement, de la fluidité du texte, mais qui, d'un autre côté, dénaturent un peu la spontanéité de certaines réponses, et la vivacité des échanges, comme on peut le constater dans un article posté ici précédemment.
Restent le témoignage et le regard d'un homme singulier en tout point, et dans le bon sens. Un homme en quête d'un plaisir peu partagé chez ses congénères : la restitution fidèle de la pensée dans le propos, quitte à choquer, et non pour choquer, ce qui fait toute la différence avec les provocateurs stériles de notre époque.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire