Pour une fois, je vais parler d'un livre que j'ai reposé bien avant d'en avoir tourné la dernière page, et dont les chances d'être rouvert sont faibles, sauf à consulter les très belles photos de Patrice Molinard qui complètent cette nouvelle édition du récit de Jean-Paul Clébert, publiée pour la première fois en 1952. Ces photos, dans l'esprit d'un Robert Doisneau, nous exposent le Paris des années 50, celui bloqué entre deux époques, avant le grand lâcher d'architectes névrosés à qui l'on doit les magnifiques blockhaus - décatis en à peine plus de temps qu'il ne faut pour le dire - qui se sont incrustés ces cinquante dernières années entre les immeubles haussmanniens en pierre de taille et les constructions plus anciennes encore qui font le charme de cette ville.
C'est un Paris perdu à jamais que Jean-Paul Clébert avait entrepris de figer sur le papier. Clébert, selon la légende, était un bourlingueur. Au début du livre, il rentre de province et compte passer l'hiver à Paris, à la cloche, où il estime être plus à l'abri des rigueurs du temps. L'éditeur nous vend le bouquin comme une chronique de la vie marginale, faite de beuveries, de misère et de temps qui passe comme il peut. On nous ressort l'avis dithyrambique de Henry Miller (que Clébert a connu), et puisqu'on est dans la carte de visite, pourquoi ne pas mentionner ses amitiés avec Robert Giraud et René Fallet, ou encore Doisneau ? Je m'imaginais avoir affaire à une sorte de Bukowski version titi, un parigot à la gouaille copieuse et relevée, façon Audiard. Mais on est loin du compte sur ce que j'ai pu lire, le style de Clébert me semble plat et verbeux. La simplicité qui le fascine tant, il ne pouvait sans doute pas l'acquérir dans le pensionnat où il reçut son éducation d'enfant bien né. Car si Clébert semble fasciné par le peuple, et probablement sincèrement fasciné (il a quand même quitté le confort de sa vie bourgeoise à 16 ans), sa prose est loin de lui ressembler. Mais ce contraste entre le style et le sujet serait un moindre mal si les quelques dizaines de pages que je me suis forcé à lire avant de jeter l'éponge n'étaient d'une platitude si désespérante. Où est l'insolite là-dedans ? On n'est ni dans le roman, ni dans le guide touristique. On est plutôt dans la chronique du vide.
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