26 septembre 2010

Une journée avec Dan Fante...


Aujourd'hui se tenait la dernière journée du festival America, à Vincennes. Depuis jeudi, les manifestations se multipliaient, dans les librairies parisiennes (signatures, lectures...), puis sur les sites de la municipalité de Vincennes. Des écrivains d'Amérique du Nord, du Mexique et des Caraïbes. A boire et à manger : des auteurs de polars, des cubains en exil, des rock stars américaines (c'est l'impression que m'a fait Bret Easton Ellis en déboulant sur le tapis rouge des marches de la mairie où il s'en allait participer à un débat), des businessmen bien nourris au teint rosi (Douglas Kennedy, un autre genre de vedette américaine, croisé furtivement aussi), des pros de la rebel attitude et de la provocation sur commande, des amoureux transis, et puis aussi quelques écrivains.
 
En réalité, je n'en avais repéré qu'un : Dan Fante. Aujourd'hui, il était convié à trois débats, sur des thèmes qu'il connait bien : Los Angeles pour commencer, son père et sa vie d'écrivain pour finir. Et puis il y avait aussi la projection du documentaire Made In Fante, commercialisé depuis quelques années sur internet avec des moyens un peu dérisoires. A vrai dire, c'est surtout pour ce film que je me déplaçais. Je n'attendais rien d'une rencontre avec l'écrivain. J'avais en mémoire les enseignements de Bukowski, qui considérait que ce qu'un écrivain a de meilleur à offrir, et même les seules choses qu'il peut offrir, ses livres le révèlent. Une fois de plus, la voix de Bukowski était celle de la sagesse. Aujourd'hui plus encore qu'à son époque, la promotion a tout perverti. Il n'y a plus de spontanéité dans les propos, la mécanique est si abondamment huilée que l'intérêt de l'exercice vous file entre les pattes. Résultat : on s'ennuie très vite.
 
Dan Fante n'est pas un mauvais type, j'en suis sûr. C'est même un type bien, je pense. Et un des rares bons écrivains encore vivants, j'en suis convaincu. Mais à force de répéter un numéro d'année en année, en bon américain, il fait son show. Il faut dire que les questions qu'on lui pose sont toujours les mêmes, il les connait par coeur, et quand bien même elles se renouvelleraient, rien ne prête au naturel et à la profondeur dans une rencontre avec des lecteurs. Il y a ce jeu de la séduction insupportable : il faut soigner son image. Pourquoi ? Pour vendre bien sûr. Est-ce condamnable ? Non, c'est inéluctable. Ce qui est regrettable, c'est qu'un livre ne se suffise plus à lui-même. Qu'il faille toujours ajouter de l'artifice, du spectacle, une rencontre entre individus qui n'ont rien à se dire, qui ne partagent finalement pas grand-chose même s'ils cherchent à se convaincre du contraire. Car en voyant le comportement des lecteurs, je me dis qu'aucun d'entre nous n'a probablement saisi ce que Dan Fante a réellement voulu faire passer dans ses livres. Certains ont été attirés par sa vie sulfureuse, d'autres par sa souffrance, d'autres encore par son ascendance prestigieuse, que sais-je encore ? Et cette rencontre nous a-t-elle permis d'éclaircir notre lecture de l'écrivain ? Non, parce que c'est impossible, et qu'en plus, ça n'a aucune importance. On revient simplement avec des anecdotes qu'on aurait aussi bien pu trouver dans ses livres. 
 
Je reviens pour ma part avec la tête bien essorée (par le bain de foule plus que par le reste peut-être), un petit sentiment de honte d'avoir cédé au rituel de la signature sans avoir la moindre chose un tant soit peu intelligente à partager avec cet homme que j'aime lire, dans les propos duquel il m'a parfois semblé reconnaître un ressenti commun.
 
Ce qui domine, c'est le sentiment d'avoir en partie perdu une journée, qui de toute façon l'aurait été, sous la pluie et par le froid, mais qui laisse un goût un peu désagréable.
 
Je reviens aussi avec quelques nouvelles de Dan Fante : ses mémoires sortiront aux Etats-Unis l'an prochain (rien de prévu en France pour l'instant), et l'écrivain travaille actuellement sur un polar. Oui, vous avez bien lu. Un polar à la Pulp, peut-être ?
 
Je reviens enfin avec deux certitudes : la littérature et le commerce ne font pas bon ménage, et on ne m'y reprendra plus.

1 commentaire:

  1. ANCIENS COMMENTAIRES (OVERBLOG)
    +++++++++++++++++++++++++++++++

    Completement d'accord avec toi, j'ai lu ses livres, mais le personnage et ses livres ne m'ont jamais vraiment convaincu !

    Commentaire n°1 posté par Zorglub le 27/09/2010 à 09h29

    +++++++++++++++++++++++++++++++

    Ses 3 premiers romans m'ont convaincu, personnellement, son recueil de nouvelles en contient de très bonnes, et ses poèmes sont moins puissants que ceux de Bukowski mais certains sont plutot bons je trouve. Bref, son oeuvre, sans me mettre par terre, me semble toujours assez bonne (bien que sur une pente descendante avec Limousines blanches) mais c'est vrai que je n'y trouve pas tout ce qui m'attire chez les écrivains que j'estime le plus, et je me faisais cette réflexion en chroniquant son dernier roman l'autre jour : Fante maitrise parfaitement le récit, son histoire, mais il me manque les réflexions sur le monde, la nature humaine, il me manque en gros l'universel, ces aphorismes pleins de lucidité que glissait par exemple Bukowski dans tous ses bouquins.

    Mais pour en revenir au festival, c'est vraiment ce genre de manifestation qui me pose problème, ça dénature tout. Je me demande quelle impression m'aurait fait Bukowski. Il ne se serait de toute façon pas plié longtemps aux usages je pense. La promotion a supplanté l'oeuvre de nos jours, et c'est cohérent avec la direction qu'a pris la société toute entière au fond. Et c'est ce système qui m'exaspère avant tout. La déception de ne pas être ébloui par un homme, je m'y attendais, j'ai d'ailleurs pas mal hésité avant de me décider à m'y rendre. La curiosité l'a emporté, finalement.

    Réponse de Hank le 27/09/2010 à 11h32

    RépondreSupprimer

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Articles les plus consultés cette semaine