« Ce que les hommes, dans leur égoïsme, confondent volontiers avec un manque d'intelligence est tout simplement l'incapacité de la femme à manier cette foule de petites ruses intellectuelles, cet ensemble de connaissances insignifiantes - véritable collection cérébrale de timbres - qui constitue le bagage mental d'un mâle moyen. Un homme se figure qu'il est plus intelligent que sa femme, parce qu'il sait mieux additionner une colonne de chiffres et parce qu'il comprend le jargon imbécile de la Bourse, parce qu'il est capable de distinguer entre les idées des politiciens concurrents ou parce qu'il est initié aux minuties de quelque profession sordide ou dégradante, comme celle de juriste ou de marchand de savon. Mais ces vains talents, tout superficiels, dont l'acquisition demande à peu près le même effort mental que le fait, pour un chimpanzé, d'apprendre à attraper un penny ou à frotter une allumette, ne doivent rien à l'intelligence. Tout ce bagage de "tours d'adresse" d'un homme d'affaires moyen est excessivement enfantin. Il n'est pas besoin de plus de sagacité pour conduire une intrigue diplomatique ou pour doser laborieusement de mauvais médicaments, ou pour élaborer un droit plus mauvais encore que pour conduire un taxi ou réussir une friture. Il n'est guère d'observateur, pour peu qu'il connaisse le commun des hommes d'affaires - je ne parle que de ceux qui réussissent - qui ne soit frappé par leur léthargie intellectuelle, leur ingénuité incurable et leur manque étonnant de sens commun. Feu Charles Francis Adams, au terme d'une longue vie passée dans l'intimité des hommes d'Etat, a déclaré n'avoir jamais entendu dire par l'un d'entre eux quelque chose qui vaille d'être entendu. C'étaient des hommes courageux, ayant réussi dans un monde masculin, mais qui, au point de vue intellectuel, étaient creux comme des outres. (...) »
H.L. Mencken, extrait de Défense des femmes (1918), traduit de l'anglais par Jean Jardin ; Gallimard, 1934.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire