« Ce qui fait le mérite d'un livre, ce ne sont pas ses qualités ou ses défauts. Il tient tout entier en ceci : qu'un autre que son auteur n'aurait pu l'écrire. Tout livre qu'un autre que son auteur aurait pu écrire est bon à mettre au panier. »
« Écrire, si exact qu'on soit, si éloigné du "beau style", qui déforme tout : les sentiments en les faisant plus heureux ou plus désespérés, les couleurs plus éclatantes ou plus sombres, c'est mentir. C'est tout au moins fausser plus ou moins. Si naturel qu'on soit, si fortement qu'on tende à l'être, les mots entrainent les phrases. L'écrivain le plus véridique, son récit terminé, s'aperçoit qu'il est d'un ton au-dessus ou d'un ton au-dessous. Que cela devient-il quand il s'agit de critique, et que l'amitié ou seulement la sympathie - ou la détestation ou seulement l'antipathie, - ou encore la basse malignité, font leur oeuvre. J'ai publié Passe-Temps. Les uns l'ont porté, et moi en même temps, aux nues. D'autres l'ont ravalé, et moi en même temps, au rang de rien. Excès des deux côtés. Je me connais et je connais ce que je fais. Une honnête moyenne entre ces deux extrêmes, voilà le vrai. »
« Très jolies les scènes d'amour dans les romans quand les deux amants, au bout de leurs serments et de leurs désirs, se confondent l'un dans l'autre. On ne nous dit jamais rien du petit désordre humide qui suit l'étreinte, de la petite malpropreté qui survient et de l'embarras qui en résulte. Toujours la rhétorique à la place de la vérité. »
Notes extraites de Propos d'un jour, de Paul Léautaud (1947, Mercure de France)
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