Les 3 lecteurs de ce blog vont friser la crise de foie, mais à rencontre littéraire exceptionnelle, pas de réaction timorée envisageable. Et puis surtout, je tiens à réagir à chaud à ces lectures, de manière à les survoler le moins possible.
Publié pour la première fois en 1947, mais rédigé essentiellement dans les années 1920 et 1930, Propos d'un jour se découpe en quatre parties compilant aphorismes, notes et réflexions diverses de cet écrivain à l'esprit critique impitoyable.
L'amour* y tient une large part (la première partie y est exclusivement consacrée), et comme à son habitude, Léautaud traite le sujet sans complaisance, son sens de la formule et son mépris des convenances sont mis au service d'idées qui en outreraient encore plus d'un, intoxiqués que nous sommes par le romantisme putassier de l'art dramatique (ou pire : la télévision et ses effusions de larmoiements sur commande) et une très haute estime de la nature véritable des hommes. Léautaud, lui, ne s'acoquine pas avec ce qu'il désigne comme le "commerce spirituel". C'est d'ailleurs ainsi qu'il ouvre le chapitre :
"L'amour, c'est le physique, c'est l'attrait charnel, c'est le plaisir reçu et donné, c'est la jouissance réciproque, c'est la réunion de deux êtres sexuellement faits l'un pour l'autre. Le reste, les hyperboles, les soupirs, les "élans de l'âme" sont des plaisanteries, des propos pour les niais, des rêveries de beaux esprits impuissants. (...)"
Les deux parties suivantes réunissent des notes écrites par l'auteur entre 1927 et 1938, les premières issues de son Journal littéraire (Notes retrouvées), les secondes (Marly-le-Roy et environs) des différentes revues auxquelles Léautaud a collaboré. Les thèmes abordés y sont variés, l'amour y revient parfois, mais l'écrivain réfléchit également beaucoup à l'écriture (voir citations), à la sienne comme à celle de ses confrères, des réflexions souvent très intéressantes sur la place de la vérité dans l'écrit. Léautaud traite également dans ces deux parties des faits de société (il dénonce notamment le patriotisme imbécile des peuples toujours prompts à se battre, rit d'un système éducatif qu'il juge plus préoccupé à formater les esprits qu'à les instruire, etc...), réagit à des évènements politiques, et autant dire que ses propos parfois haineux (l'écrivain préconise à une ou deux reprises le recours à l'eugénisme) en indigneront encore une fois quelques uns.
Mais ces sujets polémiques amènent à se questionner sur le rôle de l'écrivain et surtout sur la conduite à tenir par lui vis à vis de son œuvre. Les idées interdites au nom d'une certaine idée de la dignité humaine doivent-elles être réprimées ou exprimées par les penseurs ? Autrement dit, la littérature doit-elle s'aligner sur tout autre mode d'expression en privilégiant l'insincérité et le compromis ? Léautaud répond à cette question, d'abord ironiquement avec la dernière partie du livre (Gazette d'hier et d'aujourd'hui) où l'écrivain s'est amusé à jouer le jeu de dupes de ses méprisants détracteurs en composant quelques aphorismes parfaitement dans l'air du temps, mais surtout courageusement, en assumant chacune de ses idées tout en reconnaissant qu'"il n'est pas de sentences, de maximes, d'aphorismes, dont on ne puisse écrire la contre-partie." Une manière de démontrer qu'il est impératif de remuer les idées - et toutes les idées - sans entrave si l'on veut examiner avec rigueur et pertinence tout sujet de réflexion ; une exigence intellectuelle à laquelle, incontestablement, Léautaud n'a cessé de se plier sa vie durant.
(*) Voir citations sur ce thème.
Publié pour la première fois en 1947, mais rédigé essentiellement dans les années 1920 et 1930, Propos d'un jour se découpe en quatre parties compilant aphorismes, notes et réflexions diverses de cet écrivain à l'esprit critique impitoyable.
L'amour* y tient une large part (la première partie y est exclusivement consacrée), et comme à son habitude, Léautaud traite le sujet sans complaisance, son sens de la formule et son mépris des convenances sont mis au service d'idées qui en outreraient encore plus d'un, intoxiqués que nous sommes par le romantisme putassier de l'art dramatique (ou pire : la télévision et ses effusions de larmoiements sur commande) et une très haute estime de la nature véritable des hommes. Léautaud, lui, ne s'acoquine pas avec ce qu'il désigne comme le "commerce spirituel". C'est d'ailleurs ainsi qu'il ouvre le chapitre :
"L'amour, c'est le physique, c'est l'attrait charnel, c'est le plaisir reçu et donné, c'est la jouissance réciproque, c'est la réunion de deux êtres sexuellement faits l'un pour l'autre. Le reste, les hyperboles, les soupirs, les "élans de l'âme" sont des plaisanteries, des propos pour les niais, des rêveries de beaux esprits impuissants. (...)"
Les deux parties suivantes réunissent des notes écrites par l'auteur entre 1927 et 1938, les premières issues de son Journal littéraire (Notes retrouvées), les secondes (Marly-le-Roy et environs) des différentes revues auxquelles Léautaud a collaboré. Les thèmes abordés y sont variés, l'amour y revient parfois, mais l'écrivain réfléchit également beaucoup à l'écriture (voir citations), à la sienne comme à celle de ses confrères, des réflexions souvent très intéressantes sur la place de la vérité dans l'écrit. Léautaud traite également dans ces deux parties des faits de société (il dénonce notamment le patriotisme imbécile des peuples toujours prompts à se battre, rit d'un système éducatif qu'il juge plus préoccupé à formater les esprits qu'à les instruire, etc...), réagit à des évènements politiques, et autant dire que ses propos parfois haineux (l'écrivain préconise à une ou deux reprises le recours à l'eugénisme) en indigneront encore une fois quelques uns.
Mais ces sujets polémiques amènent à se questionner sur le rôle de l'écrivain et surtout sur la conduite à tenir par lui vis à vis de son œuvre. Les idées interdites au nom d'une certaine idée de la dignité humaine doivent-elles être réprimées ou exprimées par les penseurs ? Autrement dit, la littérature doit-elle s'aligner sur tout autre mode d'expression en privilégiant l'insincérité et le compromis ? Léautaud répond à cette question, d'abord ironiquement avec la dernière partie du livre (Gazette d'hier et d'aujourd'hui) où l'écrivain s'est amusé à jouer le jeu de dupes de ses méprisants détracteurs en composant quelques aphorismes parfaitement dans l'air du temps, mais surtout courageusement, en assumant chacune de ses idées tout en reconnaissant qu'"il n'est pas de sentences, de maximes, d'aphorismes, dont on ne puisse écrire la contre-partie." Une manière de démontrer qu'il est impératif de remuer les idées - et toutes les idées - sans entrave si l'on veut examiner avec rigueur et pertinence tout sujet de réflexion ; une exigence intellectuelle à laquelle, incontestablement, Léautaud n'a cessé de se plier sa vie durant.
(*) Voir citations sur ce thème.
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