En littérature, l'imaginaire est - me semble-t-il - souvent porté au pinacle, on est émerveillé devant l’œuvre des grands romanciers du XIXème siècle, si talentueux à recréer des univers, capter des atmosphères, pointer des réalités propres à un milieu social au travers des histoires mettant en scène des personnages fictifs aux profils psychologiques complexes et réalistes. Face à eux, les écrivains s'inspirant de leur quotidien pour écrire sembleraient vite avoir la tâche facile, et pourtant, rien n'est à mon sens plus difficile que parler de soi-même de manière authentique. Essayez donc de vous regarder droit dans les yeux. Pas simple, non ?
Paul Léautaud a, depuis ses débuts en littérature, uniquement fait cela. Par le biais de son journal intime, il a archivé jour après jour les évènements rythmant son quotidien, des faits en apparence insignifiants de sa vie aux évènements l'ayant le plus marqué. Léautaud écrivait donc dans l'instantané. La plupart du temps, du moins. Car avec Amours - court roman écrit en 1906 - l'écrivain alors âgé de 34 ans se replongeait dans la fin de son adolescence, ses premiers émois amoureux, sa relation conflictuelle avec son père et sa belle-mère... Le livre est majoritairement consacré à Jeanne Ambert, celle qu'il désigne dès les premières lignes comme son premier amour. Une jeune fille de quelques années son aînée, sœur d'un camarade de Courbevoie avec qui Léautaud avait pris l'habitude de faire le trajet qui le menait à Paris où il travaillait.
Ce court roman laisse entrevoir le cheminement de la misanthropie de son auteur, ainsi que son rapport aux femmes et même à la patrie (son service militaire écourté). Léautaud est certes entouré de quelques camarades, et principalement de Léon Ambert, mais on ne peut réellement parler d'amitié dans la mesure où l'écrivain instaure très vite une distance entre lui et ses semblables, qu'il juge tantôt superficiels (Léon), tantôt mal dégrossis (ses anciens camarades de classe). Son rapport à l'amour tend en revanche à changer au fil du récit, et de l'évolution de sa liaison avec Jeanne semble naître toute la méfiance qu'il manifestera sa vie durant à l'égard du sentiment amoureux. Sa romance évoluera sous les traits plus prosaïques d'un besoin d'amour physique (la seule forme d'amour réelle selon Léautaud). Besoin qu'il continuera du reste à satisfaire dans une infidélité consentie après que Jeanne lui ait trouvé un remplaçant plus fortuné pour l'entretenir.
" (...) J'ai toujours été dans mes relations ce que je suis comme amoureux. Je ne me suis jamais forcé, je n'ai jamais cherché à être plus aimable que je ne peux. Le monde est si drôle, cependant, que j'ai toujours conquis, et d'une façon assez importante, la sympathie des gens à qui j'ai permis de me connaître. Il m'arrive même souvent d'en être étonné à l'extrême, tant j'y ai peu pensé, et me suis peu fatigué. Encore un qui m'adore, me dis-je alors avec attendrissement. Nous verrons ce que cela durera. Et naturellement, je n'en vois jamais la fin, tant il est vrai que l'habitude est une seconde nature. Au contraire, les gens qui ne m'ont vu qu'une fois ou deux, ou qui ne me voient qu'en passant, ceux-là font les difficiles, me trouvent brusque, déplaisant, sauvage, un individu à ne pas voir, en un mot. Citerais-je l'exemple de ma mère, qui m'a bien vu en tout huit jours dans sa vie ? Pas moyen de me faire apprécier, avec elle, et à chaque fois que nous nous sommes vus, ce n'a été que pour attendre davantage avant de nous revoir. (...)"
" (...) L'amour honnête, l'amour pur, le contraire de l'amour, n'est-ce pas ? (...)"
" (...) Tout est si bon, quand on commence, regardant droit devant soi, toute la vie ! et l'on se fripe si rapidement. On ne fait plus guère que recommencer, en se montant le coup de son mieux, l'imprévu et la nouveauté n'y étant plus. (...)"
" (...) J'étais resté ni bien ni mal avec mon père, chaque dimanche j'avais son billet, et nous allions à la Comédie, ayant chaque fois les deux mêmes fauteuils de balcon, les premiers près de la scène. Ai-je assez formé mon esprit, là, presque chaque dimanche, pendant près de deux ans, à écouter tant de superbes âneries, débitées d'un air et d'un ton si faux et si bêtes, par les grands artistes que l'on connaît. Il en a été de tous ces spectacles, heureusement, comme de tous ces grands livres que j'ai lus pendant si longtemps : ils n'ont servi qu'à renforcer petit à petit mon goût exclusif et passionné pour moi-même. (...)"
Paul Léautaud a, depuis ses débuts en littérature, uniquement fait cela. Par le biais de son journal intime, il a archivé jour après jour les évènements rythmant son quotidien, des faits en apparence insignifiants de sa vie aux évènements l'ayant le plus marqué. Léautaud écrivait donc dans l'instantané. La plupart du temps, du moins. Car avec Amours - court roman écrit en 1906 - l'écrivain alors âgé de 34 ans se replongeait dans la fin de son adolescence, ses premiers émois amoureux, sa relation conflictuelle avec son père et sa belle-mère... Le livre est majoritairement consacré à Jeanne Ambert, celle qu'il désigne dès les premières lignes comme son premier amour. Une jeune fille de quelques années son aînée, sœur d'un camarade de Courbevoie avec qui Léautaud avait pris l'habitude de faire le trajet qui le menait à Paris où il travaillait.
Ce court roman laisse entrevoir le cheminement de la misanthropie de son auteur, ainsi que son rapport aux femmes et même à la patrie (son service militaire écourté). Léautaud est certes entouré de quelques camarades, et principalement de Léon Ambert, mais on ne peut réellement parler d'amitié dans la mesure où l'écrivain instaure très vite une distance entre lui et ses semblables, qu'il juge tantôt superficiels (Léon), tantôt mal dégrossis (ses anciens camarades de classe). Son rapport à l'amour tend en revanche à changer au fil du récit, et de l'évolution de sa liaison avec Jeanne semble naître toute la méfiance qu'il manifestera sa vie durant à l'égard du sentiment amoureux. Sa romance évoluera sous les traits plus prosaïques d'un besoin d'amour physique (la seule forme d'amour réelle selon Léautaud). Besoin qu'il continuera du reste à satisfaire dans une infidélité consentie après que Jeanne lui ait trouvé un remplaçant plus fortuné pour l'entretenir.
" (...) J'ai toujours été dans mes relations ce que je suis comme amoureux. Je ne me suis jamais forcé, je n'ai jamais cherché à être plus aimable que je ne peux. Le monde est si drôle, cependant, que j'ai toujours conquis, et d'une façon assez importante, la sympathie des gens à qui j'ai permis de me connaître. Il m'arrive même souvent d'en être étonné à l'extrême, tant j'y ai peu pensé, et me suis peu fatigué. Encore un qui m'adore, me dis-je alors avec attendrissement. Nous verrons ce que cela durera. Et naturellement, je n'en vois jamais la fin, tant il est vrai que l'habitude est une seconde nature. Au contraire, les gens qui ne m'ont vu qu'une fois ou deux, ou qui ne me voient qu'en passant, ceux-là font les difficiles, me trouvent brusque, déplaisant, sauvage, un individu à ne pas voir, en un mot. Citerais-je l'exemple de ma mère, qui m'a bien vu en tout huit jours dans sa vie ? Pas moyen de me faire apprécier, avec elle, et à chaque fois que nous nous sommes vus, ce n'a été que pour attendre davantage avant de nous revoir. (...)"
" (...) L'amour honnête, l'amour pur, le contraire de l'amour, n'est-ce pas ? (...)"
" (...) Tout est si bon, quand on commence, regardant droit devant soi, toute la vie ! et l'on se fripe si rapidement. On ne fait plus guère que recommencer, en se montant le coup de son mieux, l'imprévu et la nouveauté n'y étant plus. (...)"
" (...) J'étais resté ni bien ni mal avec mon père, chaque dimanche j'avais son billet, et nous allions à la Comédie, ayant chaque fois les deux mêmes fauteuils de balcon, les premiers près de la scène. Ai-je assez formé mon esprit, là, presque chaque dimanche, pendant près de deux ans, à écouter tant de superbes âneries, débitées d'un air et d'un ton si faux et si bêtes, par les grands artistes que l'on connaît. Il en a été de tous ces spectacles, heureusement, comme de tous ces grands livres que j'ai lus pendant si longtemps : ils n'ont servi qu'à renforcer petit à petit mon goût exclusif et passionné pour moi-même. (...)"
ANCIENS COMMENTAIRES (OVERBLOG)
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lecture du journal de leautaud
http://www.dailymotion.com/video/x1qela_16-avril-1941-paul-leautaud_politics
Commentaire n°1 posté par Zorglub le 13/11/2009 à 16h43
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bonsoir Zorglub,
Je n'ai pas encore lu son journal, je ne sais donc pas exactement ce qu'il contient, mais sur les 4 bouquins que j'ai lus pour l'instant, il n'est quasiment jamais question de politique, donc je suppose que ça n'était pas son thème de prédilection, ça n'est en tout cas pas dans ce registre que je le préfère si je ne me base que sur cette lecture très approximative et sans doute même un peu tronquée ou sortie de son contexte (ou pas, peu importe).
Ce que j'apprécie avant tout chez Léautaud, c'est son regard sur la nature humaine et sa faculté à écrire en réagissant à chaud sans se voiler la face, notamment le concernant.
Après, comme Céline avec ses pamphlets, je pense que beaucoup de gens aux idées bien arrêtées (comme visiblement le lecteur de la vidéo) seront tentées de boycotter ce "vieux réac" de Léautaud en entendant ce genre de propos. Et je crois de toutes façons qu'ils seraient peu réceptifs à sa vision du monde, donc ils ne perdront rien.
Réponse de Hank le 13/11/2009 à 18h21
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J'oubliais : j'ai besoin de tes conseils concernant Harry Crews (voir l'article sur Gutierrez)
Commentaire n°2 posté par Hank le 13/11/2009 à 18h31
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tu peux aller sur mon site :
http://www.binarycoffee.com/blog/?p=184
je te conseille : La malédiction du gitan , Body , Le chanteur de gospel (qui vient d'être réédité pas cher, qui est la quintessence Crews-ienne, te donnera une bonne idée) sinon y'a aussi son "enfance" Des mules et des hommes : une enfance, un lieu qui est très bien. Tous les Harry Crews sont bon mais tous n'ont pas été traduit. (Mais rien à voir avec Guitterez)
Commentaire n°3 posté par Zorglub le 14/11/2009 à 09h11