Premier roman de celui qu’on peut considérer comme l’éclaireur du « Brat Pack », ce mouvement littéraire apparu dans les années 80 dont le représentant le plus célèbre aujourd’hui est probablement Bret Easton Ellis, ami de Jay McInerney. Sorti en France à l’origine sous le titre « Journal d’un oiseau de nuit », Bright Lights Big City (qui a été réédité l’an dernier chez Points) donne véritablement le ton de cette génération d’écrivains, en décrivant une jeunesse en manque total de repères, perdue dans une jungle urbaine où elle tente coûte que coûte d’oublier la vacuité de son existence.
L’histoire de Bright Lights Big City se situe à New York, au début des années 80, et met en scène un jeune homme égaré dans les ruines de sa vie d’adulte. Son boulot de vérificateur de faits pour un magazine ne lui plait pas, la femme qu’il aimait l’a quitté brutalement pour mener sa carrière de mannequin, et son penchant pour la défonce et les nuits blanches commence à lui faire sérieusement perdre les pédales.
L’utilisation de la seconde personne du singulier dans la narration renforce le sentiment d’égarement dont souffre le narrateur, il plane au dessus de sa vie et ne sait pas très bien comment reprendre possession de lui-même. Le ton du roman est naturellement désabusé, mais il n’est pas pour autant glacial. McInerney parvient même à donner une dimension assez « humaine » à son personnage (dimension nettement amplifiée vers la fin du roman, en découvrant l’origine véritable de son mal-être), on est assez éloigné de la froideur de la plupart des personnages d’Ellis par exemple, même si le cynisme n’est pas absent du roman. Cette mise en bouche me donne en tout cas envie de poursuivre ma découverte de McInerney, probablement avec Trente ans et des poussières, dont le thème ne saurait plus me parler (« un portrait vitriolé du monde actuel, artificiel et sans âme », dixit Wikipedia).
« (…) En somme, tu ne vois pas comment vérifier toutes les infos contenues dans l’article, ni comment confesser de bonne grâce ton incapacité. Il te reste à prier pour que l’auteur ne se soit pas totalement planté, et que Clara ne relise pas les épreuves avec sa férocité coutumière.
Pourquoi t’en veut-elle ? Après tout, c’est elle qui t’a embauché. Quand les choses ont-elles mal tourné ? Ce n’est tout de même pas de ta faute si elle est encore vieille fille. Depuis ton propre Pearl Harbor conjugal, tu as compris que le seul fait de dormir seul explique une certaine aigreur et bon nombre de bizarreries. L’envie t’est parfois venue de lui dire : « Hé, je sais ce que c’est. » Et tu l’as vue dans ce petit bar de Columbus Avenue, cramponnée à son verre, espérant désespérément être abordée par le premier venu. « Pourquoi ne pas reconnaître que vous souffrez ? » avais-tu envie de lui dire quand elle commençait à te chercher. Mais quand tu as compris de quoi il retournait, il était déjà trop tard. Elle voulait ta peau. (…) »
« (…) Sans entrer dans les détails, tu laisses entendre que ton travail est à la fois terriblement prenant et important. Tu as souvent pu t’en convaincre et en convaincre autrui par le passé, mais à présent le cœur n’y est plus. Tu continues pourtant à frimer, même si ça te fait horreur, comme s’il t’importait réellement d’épater ces deux inconnues en te parant des plumes de paon. Ce n’est pourtant pas grand-chose, ce boulot de tâcheron dans cette vénérable institution, mais c’est tout ce qu’il te reste. (…) »
« (…) Elaine a l’air trop coriace pour t’attirer. Tu ne la trouves pas particulièrement gentille. Seulement, tu as tout de même envie de lui montrer que tu peux t’amuser comme tout le monde. Objectivement, tu sais qu’elle est désirable. Tu te sens donc plus ou moins tenu de la désirer. Là encore, il faut suivre le mouvement. Tu ne cesses de te dire qu’avec un peu de pratique, tu finiras par trouver ton compte dans les rencontres les plus superficielles, que tu renonceras à chercher le remède miraculeux, que tu cesseras de souffrir. Tu apprendras enfin à trouver ton bonheur dans les petits bénéfices des plaisirs sans lendemain. (…) »
Pourquoi t’en veut-elle ? Après tout, c’est elle qui t’a embauché. Quand les choses ont-elles mal tourné ? Ce n’est tout de même pas de ta faute si elle est encore vieille fille. Depuis ton propre Pearl Harbor conjugal, tu as compris que le seul fait de dormir seul explique une certaine aigreur et bon nombre de bizarreries. L’envie t’est parfois venue de lui dire : « Hé, je sais ce que c’est. » Et tu l’as vue dans ce petit bar de Columbus Avenue, cramponnée à son verre, espérant désespérément être abordée par le premier venu. « Pourquoi ne pas reconnaître que vous souffrez ? » avais-tu envie de lui dire quand elle commençait à te chercher. Mais quand tu as compris de quoi il retournait, il était déjà trop tard. Elle voulait ta peau. (…) »
« (…) Sans entrer dans les détails, tu laisses entendre que ton travail est à la fois terriblement prenant et important. Tu as souvent pu t’en convaincre et en convaincre autrui par le passé, mais à présent le cœur n’y est plus. Tu continues pourtant à frimer, même si ça te fait horreur, comme s’il t’importait réellement d’épater ces deux inconnues en te parant des plumes de paon. Ce n’est pourtant pas grand-chose, ce boulot de tâcheron dans cette vénérable institution, mais c’est tout ce qu’il te reste. (…) »
« (…) Elaine a l’air trop coriace pour t’attirer. Tu ne la trouves pas particulièrement gentille. Seulement, tu as tout de même envie de lui montrer que tu peux t’amuser comme tout le monde. Objectivement, tu sais qu’elle est désirable. Tu te sens donc plus ou moins tenu de la désirer. Là encore, il faut suivre le mouvement. Tu ne cesses de te dire qu’avec un peu de pratique, tu finiras par trouver ton compte dans les rencontres les plus superficielles, que tu renonceras à chercher le remède miraculeux, que tu cesseras de souffrir. Tu apprendras enfin à trouver ton bonheur dans les petits bénéfices des plaisirs sans lendemain. (…) »
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