Quand Charles Bukowski décidait de s’attaquer au roman de genre, il convenait de s’attendre à un résultat tout sauf conventionnel. De fait, lâchant temporairement son double Chinaski (dont il est quand même furtivement fait allusion dans le récit), Buk se glissait dans la peau de Nick Belane, un détective privé à la dégaine et au tempérament fortement Bukowskiens.
Dès le premier chapitre, on sait que Bukowski nous embarque dans un univers hors norme, bien à lui, Belane se présente sous les traits d’un raté flamboyant, obsédé sexuel attachant, grand duc de l’ivrognerie, et le ton du roman s’annonce tout ce qu’il y a de plus léger et poilant. On ne peut s’empêcher de sourire et même rire à la lecture des aventures fantaisistes de Belane, qui tour à tour se retrouve mêlé à des enquêtes tout ce qu’il y a de plus farfelues, qui se réfèrent autant au polar classique qu’à la science-fiction burlesque d’un Ed Wood voire même à l’univers improbable d’un Russ Meyer. Il est d’abord recruté par la Grande Faucheuse en personne pour retrouver l’écrivain Céline, un mort bien vivant - presque centenaire mais pimpant comme un jeune homme - qui coule des jours paisibles à Los Angeles. Viennent ensuite des histoires de moineau écarlate (la grande énigme du roman), d’extra-terrestre lubrique et bien gaulée et de mari trompé qui apparaissent toutes plus ou moins liées et mettent sérieusement à contribution les maigres talents d’enquêteur de Belane, autant qu'elles ébranlent sa santé mentale.
Bukowski ne se contente évidemment pas de raconter une histoire abracadabrante, on retrouve dans son roman à la fois l’esprit et l’imagination débridée de certaines de ses nouvelles et aussi les grands thèmes qui ont construit son œuvre, comme l’insignifiance de nos existences, les névroses et les bas instincts qui animent l’humanité, le tout asséné avec sa légèreté habituelle, son lyrisme et son humour décapant. Un roman à part donc, mais pas tant que ça.
Dès le premier chapitre, on sait que Bukowski nous embarque dans un univers hors norme, bien à lui, Belane se présente sous les traits d’un raté flamboyant, obsédé sexuel attachant, grand duc de l’ivrognerie, et le ton du roman s’annonce tout ce qu’il y a de plus léger et poilant. On ne peut s’empêcher de sourire et même rire à la lecture des aventures fantaisistes de Belane, qui tour à tour se retrouve mêlé à des enquêtes tout ce qu’il y a de plus farfelues, qui se réfèrent autant au polar classique qu’à la science-fiction burlesque d’un Ed Wood voire même à l’univers improbable d’un Russ Meyer. Il est d’abord recruté par la Grande Faucheuse en personne pour retrouver l’écrivain Céline, un mort bien vivant - presque centenaire mais pimpant comme un jeune homme - qui coule des jours paisibles à Los Angeles. Viennent ensuite des histoires de moineau écarlate (la grande énigme du roman), d’extra-terrestre lubrique et bien gaulée et de mari trompé qui apparaissent toutes plus ou moins liées et mettent sérieusement à contribution les maigres talents d’enquêteur de Belane, autant qu'elles ébranlent sa santé mentale.
Bukowski ne se contente évidemment pas de raconter une histoire abracadabrante, on retrouve dans son roman à la fois l’esprit et l’imagination débridée de certaines de ses nouvelles et aussi les grands thèmes qui ont construit son œuvre, comme l’insignifiance de nos existences, les névroses et les bas instincts qui animent l’humanité, le tout asséné avec sa légèreté habituelle, son lyrisme et son humour décapant. Un roman à part donc, mais pas tant que ça.
« (…) Je n’avais pas le moral, et la marche n’arrangea pas les choses. Chienne de philosophie ! L’homme est né pour mourir. Impossible de nier l’évidence. On se rattache à tout ce qui passe et on attend. On attend le dernier métro. On attend une paire de gros nibards dans une chambre d’hôtel, une nuit d’août à Las Vegas. On attend que les poules aient des dents. On attend que le soleil baise la lune. Et en attendant, on se raccroche à n’importe quoi. (…) »
« (…) L’heure était venue de se livrer à une petite auto-analyse.
Primo, on arrêtait les frais pour la journée.
Secundo, la vie épuise l’homme, elle le réduit à néant.
Et tertio, demain il ferait jour. (…) »
Primo, on arrêtait les frais pour la journée.
Secundo, la vie épuise l’homme, elle le réduit à néant.
Et tertio, demain il ferait jour. (…) »
« (…) Depuis le seuil, je jetai un œil sur le club-house. Juste une belle brochette de vieux friqués. Comment avaient-ils fait ? Et de combien d’ailleurs avons-nous besoin ? Car, finalement, toute cette thune, on en fait quoi ? Tous, nous allons casser notre pipe, et néanmoins la plupart d’entre nous s’esquintent la santé à grappiller deux, trois biffetons de plus. Un jeu de débiles. Pouvoir encore enfiler ses chaussures chaque matin que Dieu fait, n’est-ce pas la plus grande des victoires ? (…) »
« (…) Je me traînai jusqu’à la salle de bains. Il n’y a rien que je déteste plus que de croiser mon reflet dans un miroir, et pourtant je m’y résolus. L’image même d’un homme défait et vaincu. D’énormes valises noires autour d’yeux minuscules et craintifs. Tout à fait l’air d’un rat pris au piège par un chat impitoyable. Ma peau se débandait de toutes parts, comme si elle avait haï le corps qu’elle enveloppait. Mais le pire, c’étaient mes sourcils, pareils à des rideaux en bout de course et qui ne laissaient filtrer que le regard d’un dément. Horrible. A gerber. Et de plus, j’avais les intestins bloqués. Incapable d’en mouler un. Je me rendis quand même dans les toilettes pour pisser. Je m’appliquai à viser le centre de la cuvette mais, sans que je comprenne pourquoi, j’inondai le carrelage. Me ressaisissant, je revisai le trou, et, cette fois, je baptisai le siège que j’avais oublié de relever. Pour éponger, un rouleau de papier cul y passa quasiment. Mais c’était nickel ! Il ne me resta plus qu’à tirer la chasse. Ensuite, je me mis à la fenêtre. Sur le toit d’en face, un chat lâcha tranquillement sa crotte. Parfait. Je retournai dans la salle de bains pour me laver les dents. Mais parce que je pressai trop fort le tube de dentifrice, le lavabo en fut éclaboussé. C’était un dentifrice vert. Qui ressemblait à un ténia engraissé à la chlorophylle. Avec un doigt, j’en récupérai un peu que j’appliquai sur ma brosse. Puis, j’ouvris la bouche, et mes dents apparurent. Quelle invention diabolique que les dents ! On s’en sert pour manger. Manger et remanger. Nous sommes vraiment des êtres répugnants, programmés pour nous épuiser, notre vie durant, à accomplir de sordides petites tâches. Se remplir le ventre et lâcher des pets, nous gratter l’échine et nous souhaiter de joyeuses fêtes avec le sourire de circonstance. (…) »
« (…) Est-ce que les fêlés savent que c’est la perte de temps qui rend les gens fous ? Toute notre vie, on attend. Que ça passe ou que ça casse. On fait la queue pour acheter du papier cul. Pour encaisser un chèque. Et, quand on est sans un, on fait tout de même la queue. Plus longtemps encore. On attend le sommeil et on attend le réveil. Même topo pour le mariage et le divorce. On attend la pluie et on attend qu’elle cesse. On attend l’heure de passer à table, puis celle d’y retourner. On attend chez le psychiatre au milieu d’une bande de psychotiques, tout en se demandant si on n’en est pas un, soi-même. (…) »
« Le lendemain de cette soirée mémorable, partagé entre l’insatisfaction et le dégoût, je repris possession de mon bureau. En vérité, être là ou courir le monde, ça se valait. A l’évidence, si nous faisons semblant de remuer de l’air, c’est pour tromper l’attente de la mort, bien qu’une bonne partie d’entre nous ait renoncé depuis longtemps à user de ce piteux stratagème. Nous sommes des légumes. Je suis un légume. Dire lequel dépasse mes compétences. A priori, je penche pour le navet. (…) »