« (...) Il s'appelait Arturo, mais détestait ce prénom : il aurait aimé s'appeler John. Son nom de famille était Bandini, mais il aurait préféré s'appeler Jones. Sa mère et son père étaient italiens, il les aurait voulus américains. Son père était poseur de briques, il l'eût préféré lanceur pour les Chicago Cubs. Ils habitaient Rocklin, Colorado, dix mille habitants, et il voulait habiter Denver, à trente milles de là. Son visage était couvert de taches de rousseur qu'il haïssait. Il fréquentait une école catholique, il aurait préféré une école publique. Sa petite amie s'appelait Rosa, mais elle le détestait. Enfant de chœur, il était un vrai diable et haïssait les enfants de chœur. Il voulait être bon garçon, mais il redoutait d'être bon garçon, car il craignait que ses amis ne le traitent de bon garçon. Il s'appelait Arturo et il aimait son père, mais il vivait dans la hantise du jour où il serait assez costaud pour rosser son père. Il adorait son père, mais prenait sa mère pour un mijaurée doublée d'une idiote.
Pourquoi sa mère ne ressemblait-elle pas aux autres mères ? C'était ainsi, il le constatait chaque jour. La mère de Jack Hawley l'excitait : elle avait une façon de lui donner des petits gâteaux qui accélérait le rythme de son cœur. La mère de Jim Toland avait des jambes sublimes. La mère de Carl Molla portait en tout et pour tout une robe légère ; quand elle balayait la cuisine des Molla, il se campait sur le porche de derrière pour regarder Mme Molla balayer, ses yeux écarquillés dévorant les ondulations de ses hanches. Il avait douze ans à l'époque, et quand il comprit que sa mère ne l'excitait pas, il se mit à la haïr en secret. Il surveillait toujours sa mère du coin de l’œil. Il aimait sa mère, mais il la détestait. (...) »
Pourquoi sa mère ne ressemblait-elle pas aux autres mères ? C'était ainsi, il le constatait chaque jour. La mère de Jack Hawley l'excitait : elle avait une façon de lui donner des petits gâteaux qui accélérait le rythme de son cœur. La mère de Jim Toland avait des jambes sublimes. La mère de Carl Molla portait en tout et pour tout une robe légère ; quand elle balayait la cuisine des Molla, il se campait sur le porche de derrière pour regarder Mme Molla balayer, ses yeux écarquillés dévorant les ondulations de ses hanches. Il avait douze ans à l'époque, et quand il comprit que sa mère ne l'excitait pas, il se mit à la haïr en secret. Il surveillait toujours sa mère du coin de l’œil. Il aimait sa mère, mais il la détestait. (...) »
Bandini, de John Fante (1938) ; traduction de Brice Matthieussent (1985).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire