Matt Dillon dans la peau de Charles Bukowski, voilà une affiche qui ne me réjouissait pas particulièrement. Après Mickey Rourke dans Barfly, Hollywood nous refaisait le coup de l'asepsie par la beauté. Bukowski n'a jamais été un bellâtre, pourquoi diable s'entêter à le présenter à l'écran sous les traits d'un beau gosse ? Ca, c'était ma première réflexion, pleine d'a priori, car le fait est que Dillon - sans doute plus que Rourke pour ce que j'en ai entendu parler - a réellement cherché à se glisser dans la peau du corrosif écrivain américain. Il a tenu à s'enlaidir (pas franchement convaincant, mais on fait ce qu'on peut avec les moyens du bord), a pris un peu de poids, mais a surtout poussé le mimétisme jusqu'à sa façon de parler, avec cette fameuse voix grave et nasale, ce débit désinvolte trainant sur les syllabes, l'illusion est de ce point de vue quasiment parfaite, et de ce fait, il convient IMPÉRATIVEMENT de voir ce film en version originale, le doublage français de Dillon étant d'une rare nullité, l'antithèse du travail d'appropriation de Dillon. La performance d'acteur est donc le premier point fort du film. Le réalisateur norvégien Bent Hamer s'est pour sa part attaché à restituer l’œuvre de Bukowski avec une certaine fidélité (notamment au niveau des dialogues qu'on retrouve généralement à la virgule près dans le film), qui est loin d'être toujours de mise lors du passage d'un roman à l'écran. Mais cette volonté manifeste n'empêche pas quelques libertés assez regrettables, comme le désordre dans lequel s'enchainent les scènes en comparaison du roman, ou encore, le choix du lieu de tournage. On peut en effet se demander les raisons qui ont poussé la production à choisir Minneapolis, alors que, bien que le roman nous transporte dans différentes villes de l'est, la ville de Bukowski a toujours été Los Angeles (et c'est à L.A. que le roman se situe majoritairement). Il y avait matière à marcher sur les traces de Bukowski en visitant ses lieux de perdition habituels, comme l'hippodrome de Hollywood Park, les quartiers qu'il fréquentait (à cette époque principalement au coeur de la ville, à quelques kilomètres au sud de Hollywood : Hoover Street, Alvarado...), mais il faudra repasser pour l'authenticité à ce niveau. On peut aussi s'étonner de certains changements opérés sans la moindre justification, ainsi le vieux pervers Wilbur devient Pierre et n'est plus manchot, la lettre d'acceptation de la première nouvelle de Bukowski par une revue littéraire n'est plus lue par Chinaski/Buk mais par sa logeuse en toute fin de film, et j'en passe. Autre point contestable, mais qu'on peut cette fois expliquer par des raisons budgétaires (le film étant produit en indépendant) : la transposition du récit des années 1940 à nos jours. Les sujets de contestation ne manquent pas, reste tout de même un film relativement honnête, principalement soutenu par la prestation de Matt Dillon, mais qui ne saurait en rien remplacer la lecture du roman. Peut-être le film incitera-t-il des gens à s'intéresser à Bukowski ? J'ai tout de même quelques doutes, cette adaptation me conforte dans l'idée que cinéma et littérature sont des arts distincts et pas toujours compatibles. Je ne regrette en tout cas pas d'avoir découvert Bukowski par ses écrits, car aussi louables soient les intentions d'un cinéaste, le regard du metteur en scène court-circuite inévitablement une partie de l'esprit original du roman, le choix des scènes étant forcément réducteur, et la liberté de ton au cinéma n'étant en rien comparable à celle d'un écrivain tel que Bukowski.
Petite parenthèse enfin concernant la bande son, belle idée que d'avoir mis en musique des poèmes de Bukowski, d'autant que l'artiste norvégienne qui s'est collé à la tâche (Kristin Asbjornsen) a su tirer remarquablement parti des textes, en les greffant sur une musique émouvante, à l'interprétation habitée (notamment Slow Day).
Petite parenthèse enfin concernant la bande son, belle idée que d'avoir mis en musique des poèmes de Bukowski, d'autant que l'artiste norvégienne qui s'est collé à la tâche (Kristin Asbjornsen) a su tirer remarquablement parti des textes, en les greffant sur une musique émouvante, à l'interprétation habitée (notamment Slow Day).
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